La silver economy, un « créneau en or » !

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« Une économie des cheveux blancs », illustrait en 2013 Arnaud Montebourg – alors ministre du Redressement productif – aux côtés de la ministre déléguée chargée des Personnes âgées de l’époque, Michèle Delaunay. Face au vieillissement généralisé de la population auquel n’échappera pas la France ni l’Europe – et c’est d’ailleurs une bonne nouvelle – l’économie des seniors (ou séniors, les deux orthographes sont admises) semble promise à de hautes destinées. Avec à la clé un marché à fort potentiel. Zoom sur une filière en plein essor avec Alain Bosetti, président du salon professionnel Silver Economy Expo, et Nicolas Menet, directeur général du cluster européen Silver Valley.

Nous vivons de plus en plus longtemps. En Europe, les études démographiques le montrent, la transition démographique remonte environ au milieu du XIXe siècle, une période qui marque le passage de sociétés marquées par une forte mortalité, mais aussi une forte natalité, à un régime avec faible mortalité et faible natalité. Ce qui amène logiquement un vieillissement généralisé qui découle donc d’une hausse de l’espérance de vie – vieillissement par le haut – et une baisse de la natalité – vieillissement par le bas. Résultat, un tiers de la population française aura plus de 65 ans en France en 2030. Une aubaine pour l’économie vermeille, dite encore des cheveux gris ou d’argent, mais côté cheveux, le signe distinctif de l’âge varie des chevelures préservées des dames aux crânes dégarnis des messieurs !

Pas une… mais des « économies vermeille »

Ne pas réduire la silver economy (ou économie) à un aspect médico-social, « vieillir ne signifie pas toujours qu’une personne bascule dans une situation de dépendance, il faut casser cette image », la longévité existe, lance Nicolas Menet, auteur de l’ouvrage Construire la société de la longévité (2019). En réalité, la silver economy ne s’adresse donc pas uniquement à ces séniors dépendants, deux autres volets existent. D’abord une économie d’ajustement à l’avancée en âge – environ 16 millions de personnes de plus de 60 ans seraient concernées en France. Faire en sorte d’adapter et de personnaliser la nutrition de nos aîné·es représente – une illustration parmi d’autres – cette économie de l’ajustement. Puis, un autre volet de la silver economy, davantage tourné vers la prévention, touche 7 millions d’individus à partir de 70-75 ans. On retrouvera ici – par exemple – l’adaptation de l’habitat en vue du vieillissement, comme réaménager une chambre ou une salle de bains. Ce créneau économique brasse large puisque la notion de sénior, elle-même, pose question. Un·e sénior peut à la fois représenter « une personne de 60 ans encore active et en bonne santé ou un·e doyen·e centenaire », remarque Alain Bosetti, à la tête du salon Silver Economy Expo. « La jeunesse n’est qu’un mot », ne cessait de marteler le sociologue français Pierre Bourdieu, en serait-il de même pour nos aîné·es ?

Cette pluralité de la vieillesse pousse la silver economy à s’inviter au sein d’un grand nombre de secteurs – pour ne pas dire tous. Services à la personne, loisirs, santé, habitat, assurance… et la liste s’allonge : « Des sites de rencontres pour les séniors existent », sourit Alain Bosetti qui ne manque pas de rappeler que « plus de la moitié des voitures neuves sont achetées par les séniors ! » Pas faux, puisqu’entre 2010 et 2018, la part des seniors sur le marché neuf particulier est passée de 44 à 54 % des ventes. La moyenne d’âge d’achat d’une voiture neuve dans l’hexagone a aussi augmenté sur la période – 55 ans en 2018. À côté existe un âge pivot – dit aussi âge marketing – à partir de 50 ans, un moment qui marque généralement la fin de pléthore de charges comme le remboursement du prêt pour accéder à la propriété, les enfants finissent leurs études et – en parallèle – les revenus se révèlent plus élevés en fin de carrière. Un alignement des planètes qui donne le moyen aux séniors de dégager de l’épargne et donc du pouvoir d’achat. Et au fil des années… du temps pour consommer !

La crise sanitaire,un véritable accélérateur

Dans chaque crise, il est essentiel de retenir le positif. La pandémie covid-19, qui dure depuis près d’un an, a eu un impact considérable sur la silver economy et les franchises qui en naissent. On a beaucoup évoqué le télétravail grandissant chez les salarié·es, mais les personnes âgées, elles aussi, ont bénéficié de ce coup de boost du numérique dans leur vie : « Avec la crise, on a gagné cinq ans en termes de compétences numériques. Les séniors ont compris à quel point le numérique pouvait transformer leur quotidien », explique Nicolas Menet, directeur général de Silver Valley. Les personnes âgées se sont mises à utiliser des moteurs de recherche, télécharger des applications… tant d’avancées utiles pour rompre une part d’isolement et tenter de maintenir un lien avec l’entourage. Bien entendu, tous les séniors n’ont pas un rapport familier avec le numérique. Mais il faut poursuivre cet élan d’inclusion numérique afin que les séniors maîtrisent mieux les codes du numérique et y soient par la même occasion moins réticent·es.

La crise sanitaire a aussi mis en lumière ce public de l’économie vermeille. Placés au cœur de la lutte contre la covid-19, ils sont devenus les personnes qu’il fallait protéger à tout prix et ont joué un rôle moteur dans la stratégie vaccinale (les plus âgé·es ont été les premier·ères à pouvoir se faire vacciner). Une solidarité intergénérationnelle qui a en même temps souligné le caractère essentiel de certains métiers – jusqu’ici bien trop « invisibilisés » – les aidant·es au sens large ont endossé le costume de héros ou d’héroïnes, on a redécouvert le concept d’utilité sociale. Et tout va dans le sens d’un avenir prometteur pour cette économie des retraité·es grâce – entre autres – à « une prise de conscience de l’importance de l’humain et des travailleur·ses essentiel·les » durant cette crise, constate Alain Bosetti.

La silver economy finira forcément par décoller !

« Personne ne pouvait prédire la crise sanitaire, difficile de prévoir une crise économique, en revanche avec la démographie, on peut se projeter ! », souligne Alain Bosetti. Cette économie a forcément un créneau – en or – à prendre dans les prochaines années. Là, c’est encore trop récent pour prendre du recul, la filière a été lancée – du moins nommée – en 2013. On verra dans les prochaines années des séniors bien différent·es des générations précédentes, qui revendiquent leur liberté, leur souveraineté « une génération de séniors qui s’est battue pour ses droits et pour justement ne pas être dépendante », rappelle Nicolas Menet. C’est en quelque sorte une génération d’aîné·es plus individualiste. Un marché va donc se renforcer autour de l’accompagnement certes du « mieux vieillir » qui contribuera à permettre aux personnes âgées de vivre à domicile jusqu’à la fin de leurs jours… comme c’est d’ailleurs – en majorité – leur souhait.

Il est clair donc que la silver economy doit représenter « une filière – parmi d’autres – en vue de la relance économique sur laquelle doit plancher le ministère non pas de la santé mais de l’économie », propose Nicolas Menet. Sous-entendu la « première » silver economy, celle qui s’apparente à une économie d’ajustement à l’avancée en âge. « Une nouvelle économie se crée », ajoute-t-il. Malgré tout, si le vieillissement de la population va de pair avec la bonne santé d’un tel créneau, il posera d’autres défis… comme le financement des retraites puisque le rapport de dépendance démographique risque – progressivement – d’atteindre un fort déséquilibre. Alors travailler plus longtemps ? tiens voilà un autre débat… La fameuse inclusion des ancien·nes au sein des entreprises ! Quand on vous parlait de la transversalité de l’économie du vieillissement…

Geoffrey Wetzel

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