L’ingénierie du savoir-faire, « la » priorité du franchiseur ?

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Le franchiseur est un homme/une femme orchestre. Il/elle – ou un créateur familial – a d’abord investi dans un concept de vente. À l’heure du franchising, il/elle a développé le nombre d’implantations de son réseau en recrutant des partenaires. Il/elle formalise, fait évoluer et transmet son savoir-faire… Ce faisant, le/la franchiseur/e pratique-t-il/elle toujours son métier ? L’organisation de son réseau ne prend-elle pas toute la place ? Question existentielle…

Autres façons de poser la question : le/la franchiseur/e doit-il/elle faire prévaloir sa casquette de vendeur/se de franchises ou au contraire peaufiner son savoir-faire ? À vrai dire, continûment les deux. Mais quelle part laisser au franchisé dans l’évolution du savoir-faire ? Le franchiseur doit-il prioriser sa R&D, son innovation ou son développement commercial ? Dans quelle mesure, la tête de réseau demeure-t-elle un professionnel du métier ? Même si le franchisé est soumis des obligations d’accompagnement, d’animation et de formation, dans quelle proportion l’enseigne pourra-t-elle anticiper toutes les évolutions du marché pour garder un savoir-faire compétitif ?

La priorité de transmettre un savoir-faire qui évolue

À travers cette avalanche de questions, la R&D joue un rôle non négligeable dans le développement pérenne d’un réseau. L’évolution du savoir-faire va maintenir compétitif l’ensemble des partenaires en franchises.

Deux manières pour faire évoluer le savoir-faire. En tant que chefs d’entreprises, les franchisés sont encouragés à « remonter le terrain » via des plates-formes d’échanges de bonnes pratiques dans certaines enseignes. Ces remontées font partie des méthodes d’évolution d’un réseau dans la bonne direction. Mais cette façon de travailler que l’on pourrait comparer à des démarches d’open innovation dépendent bien souvent de la maturité du réseau et de la concurrence à l’œuvre sur son marché. Dans le cas d’un marché qui se structure ou d’une jeune franchise, les retours des franchisés seront essentiels pour faire évoluer les savoir-faire périphériques. Par exemple, le franchiseur Ar Poul Gwen (décrit dans ce numéro, p. 26), décline son concept sous deux formes d’implantation : un corner seul et un corner avec salle de restauration. Le franchiseur admet qu’il va d’abord dans un premier temps tester ses implantations en corner et voir comment son réseau évolue avant de déployer des entités plus gourmandes en investissement.

Au contraire, lorsque l’environnement est contraint par une concurrence forte ou par des évolutions technologiques nécessaires, les têtes de réseaux sont alors à l’origine des innovations à mettre en place. L’innovation et la R&D leur incombent. En ce sens, ces franchiseurs demeurent de véritables experts du métier qu’ils industrialisent à travers un concept originel.

Exemple, le réseau français de boulangeries artisanales Ange, créé il y a dix ans. Il se démarque de ses concurrents grâce à un positionnement atypique (engagement agri-éthique, lutte anti-gaspillage, farines certifiées) et une innovation continue. En mai 2019, le réseau invente dans un marché pourtant ultraconcurrentiel, il annonce une nouvelle recette de baguette avec 25 % de sel en moins, sans perte de saveur. Cette innovation est à la croisée d’une réflexion qui mêle le produit, le marketing et les valeurs RSE du franchiseur. En ce sens, avant même d’étendre le processus de fabrication à l’ensemble de ses 90 implantations, le franchiseur Ange continue de penser son savoir-faire à l’aune de la compétitivité et de l’innovation de ses produits. Un « saint » !

Dans un tout autre secteur, la franchise Helen Doron English, spécialiste de l’enseignement de l’anglais aux enfants de 2 à 18 ans, investit beaucoup en R&D afin de proposer à son réseau de mille écoles déployées dans 35 pays des programmes modernes. La franchise fait constamment évoluer ses équipes de développement pédagogique en recrutant des linguistes, des pédopsychologues ou encore des pédagogues pour faire évoluer son ingénierie pédagogique.

Question qui fâche : dans quelle mesure, la tête de réseau demeure-t-elle un professionnel
du métier ?

Tester son savoir-faire, l’éprouver en situation réelle et le dispenser

Rares sont les enseignes à fonctionner sans établissement pilote. Là encore, cette méthode pour tester grandeur nature les évolutions du savoir-faire laisse penser que le franchiseur n’est pas seulement un expert métier, mais surtout un professionnel dans la transmission de son savoir-faire. En ce sens, le franchiseur est mu par deux obligations : celle d’élargir son réseau et celle d’approfondir et de développer son savoir-faire. Une tête de réseau doit démontrer qu’elle a bien testé et éprouvé son concept dans un ou plusieurs établissements pilotes. Dans cette perspective, l’objectif majeur du franchiseur demeure la réitération d’une réussite commerciale comme le précise la jurisprudence : « Le contrat de franchise a pour objet la réitération de la réussite commerciale du franchiseur par le franchisé. » Formule à méditer ! Un tel objectif se matérialise par une seule priorité : un processus continu de modélisation du métier du franchise qui se décline en un ensemble de processus et outils indispensables à la réalisation du concept. Une priorité d’autant plus essentielle que le savoir-faire doit évoluer dans le temps. Un réseau doit rester compétitif et innovant. La tête… et les jambes, en quelque sorte, mais les jambes ne doivent pas manquer de… cerveau.

Geoffroy Framery

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