La Suisse : Délicat Eldorado helvète

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Destination toute en demi-teinte et en paradoxes, la Suisse exige de prêter attention aux détails.

Le marché est attractif. « La Suisse fait partie des pays souvent pris en considération pour une première expansion à l’international, avec entre autres la Belgique et le Maroc », souligne Maître Jérôme le Hec. C’est un pays frontalier, francophone – du moins en partie -, avec lequel la France a beaucoup d’échanges… Les réseaux français l’ont bien compris, et ils sont nombreux à s’être étendu avec succès chez nos voisins helvètes. Et d’ailleurs, les entrepreneurs suisses sont eux-mêmes demandeurs, et il n’est pas rare de pouvoir rencontrer des candidats helvètes en recherche de réseau dans les salons. Et pour autant, la franchise suisse n’est pas vraiment développée par elle-même. « Différents facteurs sont à l’origine de ce retard, parmi lesquels la frilosité des banquiers suisses, estime Olivier Nimis, de Remicom. En France, les établissements bancaires se livrent une guerre sans merci pour offrir des crédits aux franchisés qui veulent s’établir. En Suisse, le banquier ne prête qu’en échange de solides garanties et pour peu que le client montre un réel savoir-faire dans son activité. » Il existe une fédération suisse de la franchise, qui appartient à la fédération européenne et applique et code de déontologie européen – un terrain familier pour les franchiseurs français.
D’un point de vue législatif, la Suisse est en quelque sorte une terre vierge. « Il n’existe pas de réglementation spécifique à la franchise, explique Maître Jerôme le Hec. Ni sur le contrat et son contenu, ni sur les informations contractuelles. » En Suisse, pas de loi Doubin ! Les réseaux de franchises sont reconnus par la loi, mais la définition retenue ne fait pas référence à des notions de savoir-faire ou de signes distinctifs, s’intéressant surtout à la distribution. En revanche, cela ne veut pas dire qu’on peut y faire n’importe quoi. Par exemple, la notion de vice de consentement existe en droit suisse ; même s’il n’y pas d’obligation concernant un DIP, un contrat de franchise peut être annulé si des informations transmises s’avèrent erronées ou incomplètes.

Prêter attention à l’adaptation du contrat et du concept

Une solution assez simple consiste à soumettre son contrat au droit français, ce qui permet de retrouver facilement ses marques. De plus, les codes français et suisse reposent sur des principes similaires ; mais comme souvent, le diable se cache dans les détails. Par exemple, un point auquel il faut prêter attention est notamment le fait que la notion de fonds de commerce est connue en Suisse, mais n’est pas réglementée de la même façon qu’en France. Cela demandera probablement quelques adaptations au contrat… Il faut également prêter attention, dans certains secteurs d’activité, aux réglementations : toutes les professions réglementées en France ne le sont pas nécessairement en Suisse, et certains processus français ne sont pas applicables en l’état – ce que le contrat devra refléter. Un autre élément éventuel d’incertitude est la question d’une indemnité de clientèle due au franchisé en fin de contrat de franchise. Il existe un article dans la loi suisse qui pourrait donner ce droit aux franchisés, mais en l’absence de jurisprudence, il est encore difficile de se prononcer.
De façon plus générale, il n’y a pas que le contrat qui devra être adapté : le concept va également devoir être mis à la sauce locale. Un élément important est que, malgré sa proximité géographique, la Suisse ne fait pas partie de l’Union Européenne. Cela a plusieurs conséquences. Les plus évidentes sont qu’il va falloir prévoir, dans les contrats et dans le modèle, des frais de douane, les risques de change, la monnaie d’échange… Mais il ne faut pas oublier également la question de la protection de la marque, par exemple, qui demande un dépôt spécifique pour la Suisse. Heureusement, « la Suisse propose un mécanisme de traitement accéléré, moyennant le paiement d’une taxe spécifique, qui permet d’obtenir une confirmation en un peu plus d’un mois contre quatre mois en temps normal », précise Maître Jérôme le Hec. Il faut par ailleurs prêter attention aux éventuelles différences en matière de droit de la concurrence, même si les lois suisses sont proches des européennes dans l’esprit (par exemple, il est toujours impossible de fixer des prix minimum).

Un pays mosaïque

Il ne faut pas négliger, également, le fait que le coût de la vie est en général plus élevé en Suisse qu’en France : Zurich et Genève font partie des villes les plus chères du monde… Et même si le pouvoir d’achat est lui aussi plus élevé, c’est une différence qu’il faudra intégrer au concept. Mais le principal défi posé par la Suisse est qu’il s’agit d’un état fédéral avec l’unique particularité de compter quatre langues officielles, chacune avec sa forte communauté linguistique. « Les différentes régions linguistiques de la Suisse et donc ses cultures multiples posent un réel problème, souligne Olivier Nimis. Le marché est moins facilement abordable et nécessite quelques ajustements : législatifs, monétaires et douaniers, entre autres. » D’une certaine façon, et même si les similarités culturelles abondent, il peut être avisé de séparer la Suisse en quatre zones abordables indépendamment, avec chacune un interlocuteur dédié. Il faut sinon prévoir le temps de traduire tous les documents. S’il est possible de s’étendre en propre sur le sol helvète, travailler avec un interlocuteur local permet de gagner un temps précieux, et assure de naviguer au mieux ces différents univers.

Jean-Marie Benoist

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