Nantes, un centre concurrencé par sa périphérie

S’installer à Nantes, c’est ne pas « se tromper »…
S’installer à Nantes, c’est ne pas « se tromper »…

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Santé insolente

Si quelques opportunités peuvent subsister en centre-ville, les futures franchises sont plutôt vouées à s’implanter en périphérie. A moins de miser sur un concept résolument tourné vers l’avenir.

La région des Pays de la Loire fait figure de bon élève économique. En matière d’emploi, les chiffres affichés séduisent, tout comme ceux de l’attractivité. Le territoire peut se targuer de faire croître sa population de 1 % tous les 10 ans. Le département de Loire-Atlantique est un des leaders sur le sujet des créations d’entreprises. Quant à Nantes, elle figure à la cinquième place des villes françaises où il fait bon entreprendre, d’après un sondage publié par l’institut Think en 2015. Parmi les recettes du succès, on trouve bien sûr l’industrie locale, en particulier le fleuron Airbus et toute la filière aéronautique qu’il entraîne dans son sillage, ainsi que les activités navales, véritable poumon économique du territoire. Bon nombre de spécialistes évoquent les emplois directs et indirects qui en découlent pour expliquer le dynamisme local. « Les commandes de nos géants industriels donnent une bonne visibilité, dans un avenir assez lointain. A cela s’ajoute l’émergence et le développement de filières très prometteuses comme le numérique, les activités maritimes globales, desquelles découlent l’attractivité et donc l’essor commercial », analyse Bruno Hug de Larauze, président de la CCI régionale des Pays de la Loire.

Le territoire nantais recèle ainsi de belles promesses en matière d’ouverture de nouveaux points de vente, à condition de tenir compte de quelques spécificités locales. Philippe Lefebvre, gérant du cabinet ST Developments, spécialisé dans le conseil et le recrutement en matière de franchise, constate « le grand nombre de Parisiens qui déménagent à Nantes pour y saisir des opportunités professionnelles intéressantes, et plus généralement pour trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. » Environ 5 % des commerces de la commune et de son agglomération ont un statut de franchise ou commerce associé.

Signe de l’importance de ces réseaux, le Salon des entrepreneurs de Nantes a progressivement fait la part belle à la franchise au cours des dernières années, avec notamment l’organisation de consultations individuelles gratuites d’experts, qu’ils soient avocats, banquiers, experts-comptables ou consultants, accessibles aux porteurs de projets en franchise ou simplement aux visiteurs curieux. Récemment, le programme de l’événement s’est d’ailleurs enrichi de nouveaux contenus pertinents : une conférence intitulée « Choisir le bon réseau de franchise, mode d’emploi », et deux ateliers proposés par la banque Société Générale sur le thème « Comment financier son projet de création en franchise ? ».

Economie collaborative

Nouvel eldorado des franchises ?

Menace ou opportunité ? C’est la question que se posent de plus en plus d’enseignes face à l’émergence de l’économie collaborative et des nouvelles pratiques associées qui se répandent dans une multitude de secteurs. A la Fnac de Nantes, on a décidé de transformer la tendance en atout. L’établissement a organisé une grande collecte pendant laquelle les clients sont invités à donner des CD, DVD et livres, en promettant à ces derniers une seconde vie. Un partenariat a pour cela été mis sur pied avec l’association Bibliothèque sans frontières. L’expérience s’est transformée en succès puisque plus de 2 000 unités ont été récupérées lors de ces opérations. Soucieuse d’adapter son modèle économique confronté à des difficultés en raison de la progression du e-commerce, la Fnac peaufine ainsi son image de distributeur qui veut favoriser l’accès à la culture.

Le tissu économique nantais paraît particulièrement enclin à recourir aux échanges collaboratifs. L’influence croissante du numérique et les initiatives locales visant à favoriser son essor n’y sont sans doute pas étrangères. Les boutiques sous franchise comme Easy Cash, Cash Converters, ou Cash Express, spécialisées dans l’achat / vente de produits d’occasion, se développent ainsi à grande vitesse. Happy Cash, autre acteur du domaine, affiche sa plus forte croissance dans l’Ouest. « Notre métier s’adressait au départ aux 10 % de gens qui n’étaient pas en mesure de consommer autrement, ainsi qu’aux 10 % de clients particulièrement bien pourvus en produits originaux, de type vintage. Désormais, nous touchons tout le monde », décrit le gérant d’une de ces boutiques à Nantes.

Longtemps considéré comme une initiative dégradante, acheter d’occasion, c’est désormais acheter malin. En passant d’une ère de la possession à une ère de l’usage, les concepts de franchises tels qu’ils existent traditionnellement sont remis en cause, comme dans l’ensemble du commerce. Avec son aspiration à innover, Nantes pourrait bien montrer la voie à de nombreux territoires. Dès 2008, les franchisés d’Europcar Atlantique avaient décidé de faire évoluer le périmètre de leur activité en créant le service d’autopartage nantais Marguerite. Le service s’impose chaque année un peu plus comme une solution d’avenir. Environ un millier de personnes l’utilisent régulièrement.

Un centre-ville plein de promesses…

« En matière de vacance de locaux commerciaux, nous sommes dans l’ensemble plutôt bien lotis », indique Mathieu Pouzet, responsable des projets Commerce au sein de la CCI de Nantes Saint-Nazaire. Les chiffres de l’édition 2016 de l’Observatoire de la vacance commerciale de la Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé (Procos) semblent lui donner raison. Malgré une légère progression, le taux reste faible en centre-ville. Il est passé de 3,4 % à 4,7 % entre 2014 et 2015. Une donnée à mettre en regard avec la moyenne nationale de 9,5 %, sur les 200 villes étudiées. Rappelons qu’on considère généralement qu’un phénomène d’érosion est installé de façon durable si le taux de vacance dépasse la barre des 10 %. L’activité commerciale s’est appréciée de 1,9 % entre 2014 et 2015 dans le centre-ville nantais. L’association Plein Centre, qui regroupe près de 400 commerçants, remarque que les ventes sont globalement plus faciles et les clients plus à l’aise avec l’acte d’achat. 87 commerces ont vu le jour en 2015, essentiellement dans le domaine alimentaire. Dans ce secteur, le quartier du Château a vu son offre s’élargir considérablement autour de la rue de Verdun et de la rue de Strasbourg, alors que le quartier Copernic était par le passé décrit comme la seule zone du centre-ville à véritablement se renforcer. La Chambre de commerce de la ville et l’association des commerçants du centre-ville estiment que ces signaux encourageants sont en réalité le fruit d’un travail de longue haleine effectué sur plusieurs aspects comme l’ouverture le midi, plus tardives le soir, mais aussi les ouvertures dominicales exceptionnelles avant les fêtes de Noël.

Les actions de fond menées pour attirer de nouvelles enseignes sont également citées par la CCI comme les causes de ces bons résultats. Celles-ci sont notamment réalisées à l’occasion des grands salons professionnels annuels tels que le SIEC (Salon du retail et de l’immobilier commercial), Franchise Expo Paris, ainsi que le Salon Mapic, consacré à l’immobilier commercial, ou encore des événements plus localisés comme Visio Commerce.

… Mais concurrencé par son pourtour

La bonne dynamique du centre-ville s’inscrit aussi dans une réalité plus large et moins favorable. Seulement 23 % du commerce de l’ensemble de l’agglomération se trouve dans Nantes intra-muros. L’une des explications est que les grandes surfaces autour de la ville ne manquent pas. Le centre commercial Atlantis est décrit par Philippe Lefebvre comme « un véritable centre-ville à l’extérieur de Nantes. Avec son manège à l’ancienne, son Apple Store ou encore son magasin Lacoste, il constitue un grand succès sur un plan purement qualitatif. » On y trouve un hypermarché Leclerc qui domine l’alimentation locale, et une galerie marchande qui le relie directement au magasin Ikea. Une organisation astucieuse. Près de 50 000 visiteurs par jour assure la réussite de ce centre commercial.

« Un grand nombre de commerçants à Nantes signifie qu’il importe de faire preuve de modernité en matière de communication, dans la façon de travailler, mais aussi au niveau des produits et du déploiement de l’offre », remarque Antoine Bertheas, président de l’agence Parabellum Geographic Insight, spécialiste du géomarketing et des solutions pour l’implantation et la performance du commerce. On trouve des emplacements de premier choix dans certaines zones comme la rue Crébillon ou la rue du Calvaire, avec des positionnements de prix plutôt élevés. « Mais les boutiques à grand potentiel ne sont pas très nombreuses dans le centre de Nantes », poursuit-il. La ville présente un taux de création d’entreprises dans le commerce de 18 %, c’est-à-dire un pourcentage moins élevé que dans des métropoles comme Bordeaux ou Rennes.

Certaines zones sont par ailleurs décrites comme des espaces où des exploitations supplémentaires sont possibles, comme aux alentours de la Tour de Bretagne et un peu plus à l’ouest dans la zone du square Faustin Hélie. A noter aussi que si la tendance globale de l’activité commerciale en centre-ville est positive, celle-ci ne se vérifie pas dans le secteur des cafés et restaurants qui souffre d’un repli de 1,7 % de l’activité entre 2014 et 2015. Ce recul s’expliquerait par une concurrence de plus en plus forte relative à une augmentation du nombre de commerces sur ce secteur, incitant les professionnels à revoir à la baisse leur politique tarifaire.

Des secteurs propices aux opportunités

Deux antennes du réseau de franchises Mental’O, spécialisé dans l’orientation scolaire et professionnelle, viennent d’ouvrir leurs portes à Nantes. Un peu plus tôt en 2016, c’était au tour du spécialiste du repassage à domicile et du ménage Shiva de lancer deux nouvelles boutiques dans la ville ligérienne, au cœur du quartier Zola et sur l’île de Nantes. La Mie Câline et Bagel Corner sont d’autres enseignes qui figurent parmi les nouvelles arrivées commerciales. Des ouvertures qui traduisent la diversité des marques dans laquelle de belles opportunités continuent à ravir les porteurs de projets.

Entre 2010 et 2015, les plats à emporter (pizzas, galettes, sandwiches…) caracolaient en tête des points de vente en augmentation, les enseignes de cigarettes électroniques et les accessoires d’habillement étant également en très bonne posture. De nombreuses caves (vins, bières…), des salons de coiffure, ainsi que des enseignes positionnées sur les parfums, l’hygiène, la beauté ont elles aussi ouvert leurs portes chaque année. Le Panorama de l’appareil commercial de Loire-Atlantique, publié par la CCI de Nantes Saint-Nazaire en novembre 2016, souligne toutefois que le boom des cigarettes électroniques est terminé : « on s’attend désormais à une stabilisation de l’évolution de ce secteur en 2016/2017. » L’étude indique par ailleurs que les épiceries fines, spécialités régionales et produits exotiques commencent à s’implanter en centre-ville. 2015 s’est caractérisée par un grand nombre d’ouvertures de points de vente dans ce domaine.

Philippe Lefebvre explique que les retombées les plus prometteuses se trouvent dans les concepts les plus différenciants : « des enseignes comme le fabricant de meubles design Bo Concept, ou le spécialiste du chocolat Larnicol », peuvent espérer un avenir heureux. Inutile à l’inverse de miser sur les commerces traditionnels ou les marques de restauration rapide comme McDonald’s ou KFC qui occupent déjà une position de leaders indéboulonnables. D’autres spécialistes mentionnent des carences en termes d’enseignes de sport et de détente où il reste des parts de marchés à saisir, à l’image du domaine du bricolage il y a quelques années, alors caractérisé par un manque qui a depuis largement été comblé.

Le Panorama de la CCI de Nantes Saint-Nazaire affiche par ailleurs des baisses de points de vente à ne pas négliger dans les secteurs des vêtements mixtes, des arts de la table et de la décoration. Des domaines à éviter, à moins de couver une idée révolutionnaire.

Mathieu Neu

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