Franchise participative : un deal gagnant/gagnant… parfois risqué

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La franchise, un univers. Ses formules offrent l’avantage de s’adapter aux situations, aux partenaires, aux équilibres financiers. Parmi lesquelles, la « franchise participative » commence à susciter un intérêt bien compris. Or cette forme toute fraîche de montage financier n’est pas forcément « franchise compatible »…

De quoi parle-t-on ? Pour Michel Kahn, consultant et président de l’Iref (Fédération européenne des réseaux de franchise et de partenariat), « ce mécanisme s’appelle en réalité “contrat de partenariat d’intérêt économique” ». Bien reçu. L’intérêt économique, c’est que le franchisé détient une part du capital du franchiseur, et/ou l’inverse, à moins qu’ils ne détiennent tous deux des participations croisées. Une forme de coopérative, non ? Mais où les adhérents sont aussi associés. Passons à la recette.

Gros intérêt pour un candidat court en capital

Un aspirant franchisé qui n’aurait pas levé suffisamment de fonds se tourne vers le franchiseur. « Fort de ce constat, le franchiseur prend une part du capital de l’affaire afin de rendre possible son ouverture », confirme Rose-Marie Moins, directrice Développement, Animation et Promotion au sein de la Fédération française de la franchise.

Mais pourquoi tant de sollicitude de la part des franchiseurs ? « Les enseignes recherchent les meilleurs candidats possible. Si l’on ne veut pas passer à côté de franchisés à haut potentiel, il vaut mieux les garder en résolvant la question de l’apport », explique la spécialiste. C’est d’ailleurs pour cette raison que le menuisier Tryba a régulièrement recours à cette pratique. « En 2014, nous avons lancé une alternative, cette fameuse franchise participative, baptisée “Carré Tryba”. Nous nous sommes rendu compte que nous passions à côté de candidats prometteurs, juste parce qu’ils manquaient d’apport personnel initial », raconte Marie-Emmanuelle Ascencio, responsable développement Tryba. Chaque franchise a mis au point son propre modèle. Le menuisier franchiseur apporte en l’occurrence 80 % des parts et le franchisé démarre son activité sous un statut de « salarié-associé ». Le franchisé, dans ce cas de figure, se révèle largement majoritaire, un choix assumé. « Nous veillons à la bonne forme de notre investissement avec une gestion de bon père de famille. Nous surveillons l’évolution du projet et la motivation du franchisé. Il ne s’agit pas de lui mettre la pression, mais, au contraire, de lui donner la capacité de se montrer autonome le plus rapidement possible. Le franchisé va compter sur l’appui d’un manager et de son suivi, de visites régulières et de l’accompagnement par l’usine Tryba », détaille Marie-Emmanuelle Ascencio. Mais c’est le cas le plus souvent dans les « bonnes franchises » sans cet apport du franchiseur…

L’indépendance, ça se gagne

Pour autant, un tel mécanisme se veut provisoire. Autrement dit, dès que le point de vente fonctionne, le franchisé-associé commence à rembourser la part du franchiseur participatif. But : devenir autonome à terme, et le plus court terme possible. Dans le cas de Tryba, il suffit de trois ans pour gagner son indépendance. Pour s’assurer de la réussite de son associé, le menuisier fenêtrier ne ménage pas ses efforts. « Avant de lancer le franchisé dans le grand bain, nous lui prodiguons trois mois de formation. Durant cette période, il se familiarise avec la technique car métrer exige un tant soit peu d’expérience. Mais il/elle assimile aussi le marketing, les techniques de vente et le respect de la qualité clients. Il s’agit d’un point essentiel car le panier moyen chez Tryba est élevé : 4 500 euros. Dans ce cadre, il est rare qu’un client refasse l’ensemble de ses fenêtres en une fois. Il doit donc se révéler entièrement satisfait dès sa première commande afin qu’il revienne les années suivantes. »

À double tranchant

C’est si simple ? Mais alors, vive la franchise participative, forme ultime à terme du commerce associé ! Pas si vite… Ce système présente un réel biais qui pourrait assombrir ses perspectives : il rompt le principe d’indépendance entre le franchisé et le franchiseur, concept au cœur de la franchise. D’un point de vue juridique, les conséquences en sont lourdes pour l’apporteur ders fonds. « La franchise participative expose le franchiseur à des ennuis en cas de difficultés financières du franchisé. Comme il détient un droit de regard sur son franchisé, il sera inéluctablement tenu en grande partie responsable par la justice des éventuels passifs de son associé. De deux choses l’une : soit il sera reproché au franchiseur de jouer les sleeping partners, soit on le verra comme un partenaire au contraire trop “proactif”. Dans les deux cas, le franchiseur se place en mauvaise posture », confirme Bertand Cayol, avocat associé du cabinet Cayol-Pierson. « Certes, la dépendance entre les deux parties se veut provisoire, mais c’est justement dans les premières années que les difficultés risquent le plus de se manifester », ajoute l’avocat. Enfin, la franchise participative expose le franchisé et le franchiseur à de possibles conflits d’intérêts dans la mesure où la stratégie de l’un ne sera pas forcément celle de l’autre. « Aujourd’hui, il n’existe pas de jurisprudence, mais je suis persuadé que la justice sanctionnera sévèrement, tôt ou tard, les errements liés à franchise participative », prédit l’avocat. Eh bien, l’important n’est pas toujours, peut-être, de participer !

Pierre-Jean Lepagnot

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