Reprendre une franchise en toute sérénité

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Pour un primo-repreneur, le « reprenariat » – néologisme ! – devient un parcours passionnant mais pas facile du tout. Il faut appliquer les bons réflexes et… disposer de l’investissement nécessaire pour réussir à tous les coups.

Et si reprendre une franchise s’avérait plus intéressant que de se lancer à partir de zéro ? Même si l’opération se montre plus coûteuse ? Car elle offre des avantages. « Vous reprenez une affaire existante qui bénéficie d’une notoriété, d’une clientèle, d’un chiffre d’affaires, note Laurent Poisson, créateur de Participe Futur, cabinet conseil qui accompagne des entreprises structurées en réseaux dans leur développement, leur organisation et leur management. Avant de se lancer dans cette aventure, il faut choisir le secteur d’activité qui vous plaira, puis un réseau dans lequel vous vous sentirez bien et vice versa. » La majorité des secteurs n’exigent pas de diplômes et le principe même de la franchise suppose que vous êtes formé au métier désiré. D’après une étude de l’Observatoire BPCE, publiée en 2017, au moins 75 000 entreprises françaises sont cédées chaque année, franchises incluses. La majorité (60 %) se font racheter par des fonds ou se transmettent au sein du cercle familial. Il ne reste donc plus que 40 % d’entreprises à vendre sur le marché. Mais comment les trouver ?
Plusieurs bases de données les recensent :­­ TransEntreprise, Fusacq, cession PME, Michel Simon, CRA, Bpifrance, BNOA ou encore celles de la CCI ou de la Chambre des métiers. D’autres pistes se suivent, comme la presse et les agences spécialisées. Sans négliger le bouche à oreille dans la mesure où les franchisés qui cèdent leurs entreprises ne souhaitent pas toujours le faire savoir à leurs clients, leurs salariés ou leurs fournisseurs. Or, les franchiseurs sont souvent les premiers à annoncer que leurs franchisés veulent passer la main : il convient donc de se tourner vers eux en premier lieu.

Présélectionner les entreprises à reprendre

Si, au terme de vos recherches, vous hésitez entre plusieurs choix, force vous sera d’engager un diagnostic rapide pour écarter les entreprises qui ne correspondent pas exactement à votre projet ou présentent des garanties insuffisantes. Tout d’abord, renseignez-vous sur les raisons de la vente, puis étudiez attentivement l’emplacement de l’entreprise (quartier, concurrence, attractivité, etc.). Autrement dit, refaites à l’envers du géomarketing qui aboutit à la bonne localisation (lire le En couverture de ce numéro). La zone de chalandise montre-t-elle du potentiel ?
Le grand enjeu de la présélection restent l’analyse des bilans comptables (les trois derniers, les stocks, les comptes de résultats, les dettes, les retards de paiement…) et du prévisionnel à un an. « En vérifiant la comptabilité de l’entreprise, accordez une attention particulière à l’évolution du business. Comment l’entreprise s’est-elle comportée dans le passé, comment elle va se présenter dans le futur », conseille Pascal Ferron, vice-président de Walter France et spécialiste de l’accompagnement de cadres repreneurs. La capacité à se rémunérer, le chiffre d’affaires, la marge et leur évolution sont également à prendre en compte. « Il faut vérifier si l’entreprise est aux normes du réseau – le logo ou la façade sont mis à jour, par exemple. Si ce n’est pas le cas, vous serez obligé d’investir sur ces points », prévient Laurent Poisson. Outre ces clés, d’autres doivent passer au crible de votre œil de lynx : notamment les termes du contrat de franchise, les contrats d’assurance et les éventuels litiges en cours, l’état de conformité des locaux et du bail…

Le grand enjeu de la présélection restent l’analyse des bilans comptables (les trois derniers, les stocks, les comptes de résultats, les dettes, les retards de paiement…) et du prévisionnel à un an.

L’audit de l’entreprise et la négociation du prix

C’est fait, c’est cette franchise qui satisfait à vos critères. L’heure est à l’audit. Il faut alors faire intervenir des experts (expert-comptable, spécialiste de la franchise, avocat, etc.) qui passeront au peigne fin tous les éléments collectés pour analyser les points forts et les faiblesses du rachat, selon plusieurs repères : la situation patrimoniale du cédant, la rentabilité de l’entreprise, les flux de trésorerie actualisés, etc. « Il faut vérifier les risques qu’on aura à supporter dans le futur comme la mise aux normes, les litiges éventuels – ou les risques à venir – devant les prud’hommes, etc. On doit vérifier que les chiffres présentés sont bien conformes à la réalité et aux bonnes périodes pour s’assurer que le chiffre d’affaires ait bien évolué », liste Pascal Ferron. Le personnel en place n’est pas non plus à négliger. Laurent Poisson conseille de vérifier si les employés de la franchise à céder sont bien formés aux standards de l’enseigne. « Dans le cas contraire, il est possible de négocier le prix moins cher », estime le spécialiste. Le contrat de franchise enfin se négocie. Lors de la reprise, un nouveau contrat sera signé qui pourrait se révéler moins attractif que le précédent. Chaque contrat de franchise est signé « en considération de la personne » (clause intuitu personae). Le changement de propriétaire d’une unité de franchise implique la signature d’un nouveau contrat entre le franchisé vendeur, le franchiseur et le repreneur. Lequel doit d’ailleurs obligatoirement obtenir l’agrément de la part du franchiseur, sans quoi il ne pourra pas utiliser les signes distinctifs de l’enseigne (concept, marque, etc.).

La recherche de financements

Le repreneur doit bien sûr disposer des fonds nécessaires au rachat. Ils sont composés d’un apport personnel (au minimum de 30 % du prix total de l’entreprise) et d’un emprunt bancaire. De nombreuses aides existent pour financer un « reprenariat » (la plupart sont passées en revue dans ce numéro, p. 22). Si le repreneur est demandeur d’emploi, il a tout intérêt à demander le bénéfice du dispositif Nacre (Nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise), géré par les régions depuis le 1er janvier 2017 – accompagnement pendant trois ans. Ce dispositif comprend une aide au montage du projet de création ou de reprise, à la structuration financière et au démarrage de l’activité. Si l’on perçoit l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE), s’ouvre l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (Arce) équivalent à 45 % des droits de l’ARE qui restent à verser. Elle donne droit à une exonération partielle des charges sociales pendant trois ans. Des crédits solidaires existent également. Ils sont accordés par l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique) et la Nef (Nouvelle économie fraternelle). Le montant de ces crédits sera au maximum de 10 000 euros et les taux tutoient le zéro. Ces micro-prêts se remboursent en quatre ou cinq ans. De son côté, Bpifrance aide à la première installation par reprise de fonds de commerce ou encore le développement d’une master franchise (lire p.  40). Ne pas oublier de frapper aux portes des aides financières régionales. Selon la zone d’implantation de la franchise, mais aussi des conditions d’emploi et d’investissement, vous pouvez bénéficier d’une « prime d’aménagement du territoire » de la part de la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale).
Il est souvent possible de faire appel à la famille ou à un partenaire associé. Cette love money prend des allures diverses, telle celle de l’associé qui apporte une somme d’argent sans revendiquer d’actions ni de parts dans la société et reste donc non décisionnaire. Dans ce cas, il est préférable de passer par un don manuel : parents ou grands-parents seront donateurs sans impôts jusqu’à 30 000 euros tous les 15 ans. En outre, « il est intéressant de se tourner vers le franchiseur et de négocier des aides comme le réaménagement des locaux, un coup de pouce pour remonter le chiffre d’affaires, etc.», conseille Pascal Ferron.

Selon la zone d’implantation de la franchise, mais aussi des conditions d’emploi et d’investissement, vous pouvez bénéficier d’une « prime d’aménagement du territoire » de la part de la Datar.

La signature du contrat

Selon les négociations menées avec le cédant, il est parfois possible de s’acquitter du prix de vente de façon échelonnée. Une partie des sommes dues sera alors payée à la signature du contrat et le reste plus tard en accord avec le vendeur. Une autre modalité de paiement est jouable, c’est la technique dite du earnout. Elle prend la forme d’une clause au contrat qui prévoit de régler le montant de l’achat en deux fois : un premier versement à la signature du contrat de vente et le reste après un certain temps, en fonction des performances réelles enregistrées par l’entreprise.
Avant de signer le contrat de vente, le repreneur doit parapher son contrat de franchise et s’acquitter des droits d’entrée afférents. Une fois la boucle bouclée, le repreneur suivra la formation initiale dispensée par le franchiseur afin de rentrer dans le détail du fonctionnement de son concept. Le cédant va alors aider le franchisé à prendre ses marques et l’accompagner pendant quelques mois. Passée cette période de transition, le repreneur est le seul maître à bord.

Anna Ashkova

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