Les CCI désignées premières interlocutrices des entreprises

Pierre Goguet

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Pierre Goguet, président fédéral des Chambres de commerce et d’industrie : « Le régime exceptionnel durera au moins deux mois »

À Levallois-Perret, le 20 mars, Pierre Goguet, président de CCI France, remonte dans son bureau pour prendre notre appel. Il est pratiquement seul au siège. « Mais toutes nos chambres sont en télétravail et nos équipes 100 % actives, dans tous les territoires. » Et pour cause : c’est aux CCI que Bruno Le Maire a officiellement confié la mission de rester les interlocutrices de premier rang des quelque 3 millions d’entreprises en contact direct. Comment font-elles face ?

Vous étiez en réunion virtuelle, le 19 mars, en task force, avec six ministres, le président de la République, des interlocuteurs comme le président du Medef, celui de Bpifrance, pendant une heure 30. Clairement, vous êtes en première ligne, mais pas seulement pour informer vos adhérents…
Effectivement, si nous diffusons sur nos plates-formes outils et informations, sur-mesure selon les entreprises, le gouvernement nous demande de remonter les informations de terrain vers les ministères. Nous constituons l’interface. La proactivité de nos équipes est mobilisée. La première démarche est de caler les modalités du chômage et de l’activité partiels. Hier, 21 000 demandes avaient été complétées, pour quelque 400 000 salarié/es.

Le chiffre n’est-il pas étonnamment faible ?
Ce n’est que le début d’un processus à portée exponentielle. Sans perdre de vue que quel que soit le jour de la demande, une rétroactivité va s’appliquer sur les 30 jours du mois.

Mais avant les mesures de chômage partiel, vous dites que le vital c’est la continuité de l’activité quand le télétravail est impossible…
La vraie problématique est là : au-delà des mesures sanitaires et d’un confinement pas toujours strict, il faut que les entreprises travaillent ! Il est vital que le pays ne soit pas bloqué pour assurer la continuité économique nécessaire dans le respect des contraintes barrières. Tout le BTP, par exemple, est aujourd’hui au ralenti, notamment en raison de l’attitude de retrait de ses clients. Des chantiers sont suspendus alors même que les chefs d’entreprise, les chefs de travaux, font observer les mesures de risque sanitaire. Il y a surréaction. Et le message que je dois faire passer est primordial : poursuivez le travail, même en mode dégradé. Les CCI et les fédérations professionnelles le font passer, ce message. Il faut rester en mode de fonctionnement. Le crédit interentreprises doit fonctionner.

Vous voulez dire que les entreprises doivent absolument payer leurs fournisseurs…
Oui ! Le gouvernement a ouvert 300 milliards de lignes de crédit. Il est indispensable que les petites entreprises soient rassurées sur leur trésorerie à court terme. D’où l’importance de poursuivre l’activité, fût-ce en mode dégradé. Selon nos informations, l’Italie qui a démarré le confinement avant nous voit ses industries tourner à 90 %. Nous ne pouvons faire moins.

Le report des échéances se met en place ? J’ai sous les yeux le titre du Courrier picard, Urgence entreprises en péril et bon nombre sont même « à l’agonie
À ce jour, nos informations nous montrent que 25 000 entreprises ont repoussé leurs échéances avant un rééchelonnement des crédits bancaires. Nous avons les moyens de les informer à travers nos plates-formes de CRM. La CCI des Hauts de France, par exemple, touche 80 000 entreprises, très habituées à l’usage d’un tel outil. L’accès fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en ligne. N’oublions pas que l’épisode « gilets jaunes » nous avait déjà rodés à informer nos entreprises immatriculées. Nous avons mis sur pied des brigades mobiles qui se rendent dans les petites entreprises pour les aider à remplir les formulaires. Mais il n’empêche qu’un tiers des entreprises n’utilisent pas le numérique… Peu sont à l’abri.

Vous faites passer un autre message, la consommation des congés payés échus…C’est là encore une attitude vitale. Il faut consommer les congés de l’année dernière. Imaginez que toute l’économie tourne au chômage partiel, puis que les salarié/es partent 5 semaines en congé dans la foulée. Ce serait une catastrophe. Nous essayons donc d’encourager cette prise de congés qui, rappelons-le, assure un salaire versé à 100 % quand l’activité partielle correspond à 84 %.

Une autre de vos priorités s’emploie à indemniser les indépendants non salariés.Parfaitement. La France s’est enrichie de créations de micro-entreprises à grande échelle, encore faut-il désormais les garder en vie. Il faut réussir l’obtention d’un premier versement de 1 500 euros aux indépendants dès le début du mois d’avril, puis mener une analyse au cas par cas des besoins individuels, dans un contexte assurantiel proche de zéro. Il existe un fonds de solidarité crédité d’un milliard d’euros qui se répartit à raison de 250 millions par région.

Votre vision de la durée du « couvre-feu économique » en France ?La mise au ralenti du pays va durer. Au moins deux mois…

Propos recueillis par Olivier Magnan

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