Les abus dans les contrats au regard des nouvelles lois

« Si j’avais su… »
« Si j’avais su… »

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Chausse-trappes contractuelles

Dans plus de 90% des cas le contrat reste dans le placard en l’absence de contentieux. Mais les exceptions existent, le franchisé doit connaître les points de vigilance lors de la signature.

Démarrer l’aventure en franchise correspond souvent à un projet de vie, avec de lourds investissements à la clé. Les pièges les plus fréquents, évoqués dans les numéros précédents, tiennent souvent à des informations tronquées en provenance du franchiseur. La rentabilité du réseau, son turnover, l’absence d’état du marché local… sont souvent évoqués. Mais c’est bien souvent au cœur des contrats que les déséquilibres sont ignorés par le franchisé. « Il signe dans la joie d’intégrer une nouvelle activité, de nouer de nouvelles relations. Il peut être moins vigilant sur l’étude du contrat. Les franchiseurs modernes sont pour la plupart compétents et loyaux, mais il peut arriver que de nouveaux acteurs de durée éphémère soient peu regardants sur l’éthique. D’autres contrats prévoient des obligations excessives à l’égard du franchisé. C’est parfois le cas avec les traductions littérales de certains contrats anglo-saxons très protecteurs pour les têtes de réseaux, même si eux aussi évoluent positivement désormais », constate Hubert Bensoussan (1), avocat spécialisé depuis plus de 20 ans dans les systèmes de franchise et assimilés, fondateur du cabinet éponyme.

Nouveau rapport de force

Les changements règlementaires survenus en fin d’année concernent le droit des contrats, et donc la franchise. « Nous avons assisté à un rééquilibrage dans la relation. Le juge peut désormais s’y immiscer et déterminer s’il y a des abus. S’il considère que des clauses sont exagérées, il peut les annuler », observe celui qui enseigne la franchise, notamment à l’université de Haute-Alsace. La loyauté et l’équilibre sont désormais mis en avant.

Droit de préemption exagéré

Au nom de ce principe, une certaine mesure est désormais requise. « Pas plus tard que ce matin, un franchisé a sollicité mon expertise. Il voulait vendre son fonds de commerce et une clause dans le contrat prévoyait qu’il devait d’abord proposer au franchiseur d’user de son droit de préemption. Le hic, c’était que le contrat prévoyait un délai de 60 jours pour que le franchiseur communique sa décision. J’ai considéré que cette durée était abusive et déséquilibrait la relation contractuelle », illustre le membre du comité scientifique de la FFF.

Clauses de non concurrence invalides

L’acceptation des clauses de non concurrence post-contractuelles a beaucoup évolué dans le temps. « Auparavant on visait une interdiction d’une activité similaire sur toute la France ; la jurisprudence a ensuite réduit l’exclusivité à la ville, puis au territoire contractuel. Enfin la loi Macron l’a circonscrite aux locaux où est exploitée l’unité franchisée », retrace l’expert. Celui qui quitte l’enseigne peut donc ouvrir son espace dix mètres plus loin. « Ces clauses de non concurrence se heurtent un peu à la propriété commerciale du franchisé. Les juges n’y sont souvent pas très favorables. Ils leur préfèrent la seule interdiction de s’affilier à des réseaux concurrents », avance Hubert Bensoussan.

Exclusivité territoriale mal définie

Certaines questions d’exclusivité doivent absolument être tranchées dans le contrat, sous peine de litiges ultérieurs. Le franchisé sera-t-il seul à vendre sur la zone ? Ou seul à représenter l’enseigne localement ? Parle-t-on d’une exclusivité de produit ou de franchise ? Car le franchiseur peut commercialiser d’une autre manière. Vient également l’épineuse problématique de la vente en ligne. « La jurisprudence et le droit européen rappellent qu’on ne peut interdire un site de commercialisation au franchisé. Et même si le droit autorise le franchiseur à écouler des produits par le site, un tel comportement peut nuire à l’ambiance dans le réseau. Or le succès dépend à 50% de l’attitude du franchiseur à y créer l’harmonie » précise le spécialiste. Les contrats efficaces prévoient donc des prestations qui profitent aux franchisés, qui livrent, ou servent de point relais pour attirer les clients internautes en boutique et toucher un pourcentage de la vente.

Prise de participation risquée chez le franchisé

Parfois le franchiseur pressent une compétence pointue chez le candidat franchisé, mais celui-ci n’a pas d’argent. Il peut donc arriver que le chef de réseau investisse pour combler cette carence. Or, les juges considèrent parfois que cet investissement altère l’autonomie du franchisé, même s’il présente l’avantage de sécuriser le dossier face aux banques. Si d’autres éléments de domination du franchiseur existent, la validité du contrat peut en souffrir. « La requalification en contrat de travail est somme toute assez rare, mais il peut y avoir aussi une requalification de la relation entre la personne physique gérant la société franchisée et le franchiseur en un contrat de gérant de succursale salarié », nuance l’avocat. Le franchisé  personne physique peut alors demander des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Contrôle excessif

Un contrat dans lequel le franchiseur choisit le local ou impose les prix n’est plus envisageable. Ce genre d’obligations n’est plus écrite noir sur blanc. Mais certains entrepreneurs ne peuvent s’empêcher de tout maîtriser, conservant une mentalité de succursalistes. « Il m’est arrivé de refuser des clients qui voulaient se montrer trop invasifs à l’égard des franchisés », se souvient Hubert Bensoussan.

Recours obligatoire aux professionnels

Conseil primordial aux franchisés – qui peut paraître évident -, bien s’entourer. Les nouveaux venus à la franchise, qui sont pour la plupart d’anciens salariés, ne sont souvent pas en mesure d’appréhender la portée juridique et les conséquences financières des clauses du contrat. Bien conseillés, ils proscriront d’emblée la clause de solidarité qui engage leur patrimoine personnel, ou celle qui les limite dans leur droit de vendre leur fonds de commerce ou leur liberté d’entreprendre.

(1) « Le droit de la franchise », d’Hubert Bensoussan, éd. Apogée, 2000.

Julien Tarby

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