L’emplacement géolocalisé, arme d’implantation massive

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En immobilier, trois règles s’imposent : « localisation, localisation, localisation ». En implantation commerciale, il en faut une quatrième : la localisation ! Un bon découpage des zones de chalandises ne se trouve pas à l’intuition. Une technique fiable existe, la géolocalisation. Comment en user et abuser ?

Dans un marché de la franchise très pointu en France – c’est une de ses qualités – le choix des emplacements, parmi d’autres facteurs essentiels, joue pour beaucoup dans une éventuelle prise d’ascendant. Et quand le réseau est bien développé, que le maillage est déjà serré, il faut pouvoir se transformer, évoluer… « L’emplacement joue un rôle stratégique dans le succès d’un réseau, peu d’enseignes l’ignorent », souligne Pierre Fleury, directeur de PFMarketing. Il joue non seulement sur le succès des franchisés, mais aussi sur la santé du réseau et son attractivité : un réseau est tenu de communiquer à ses futurs candidats les événements importants de ces trois dernières années – par exemple, le ratio de fermetures et d’ouvertures. Autrement dit, la question du bon emplacement n’est pas neuve. Mais la bonne nouvelle, c’est que les outils pour y répondre sont de plus en plus perfectionnés.

C’est une science (ou presque)

Sous le nom un peu ronflant de géolocalisation se cache une idée simple : étudier sous toutes les coutures le terrain pour déterminer les meilleurs emplacements disponibles (ou potentiellement disponibles). « Les réseaux sont dans une logique de recherche du meilleur emplacement, explique Pierre Fleury. Par exemple, un réseau veut aller à Bayonne, et dispose de trois emplacements en vue : quel est le meilleur ? La recherche utile à sa détermination sera très poussée. » Il n’est pas rare de descendre, dans le détail, jusqu’à la rue, voire le côté de la rue – choisir le côté ensoleillé l’après-midi et le soir est un vrai atout pour un restaurant. On va déterminer le PAVé (Population, Accessibilité, Visibilité et Énergie) : état de la concurrence, accessibilité des sites (transports, parkings…), points focaux générateurs de trafic de la zone, saisonnalité, estimation des flux de circulation (aujourd’hui facile à estimer grâce aux téléphones mobiles), classe d’âges, catégories socio-professionnelles… Et le tout est à passer au filtre de l’activité de l’enseigne. Chacune demande une approche spécifique.
« Deux ans après l’ouverture de notre premier emplacement, nous avons voulu trouver un deuxième local, explique Benjamin Fetu, fondateur de Phood. Et nous nous sommes trompés : nous l’avons payé trop cher par rapport à son potentiel – il n’avait pas assez de volume de vente… Nous l’avons « traîné » avec nous pendant trois ans. Depuis, nous avons accumulé de l’expérience… pour ne plus nous tromper. Aujourd’hui, nous connaissons bien deux typologies d’emplacement, là où nous savons que notre concept a de bonnes chances de réussir, et nous aidons les candidats à les rechercher dans les villes où ils portent leur projet. » Redisons-le, la tête de réseau a de toute façon l’obligation légale de fournir au candidat franchisé un état local du marché. Et ce sont les mêmes informations qui nourrissent la réflexion sur l’emplacement, mais vues sous un autre angle. Les données ne manquent pas : statistiques étatiques (géographiques, socio-économiques, démographiques…), données marketing, flux de circulation, réseaux sociaux… La question est plutôt de savoir quelles données sont pertinentes à analyser. « Nous avons élaboré une solution logicielle, dont nous sortirons bientôt une version simplifiée : de plus en plus d’enseignes nous demandent de pouvoir étudier en amont leurs secteurs avant de faire appel à nos services. »

« L’emplacement joue un rôle stratégique dans le succès d’un réseau, et peu d’enseignes
l’ignorent »

Délimiter les zones

Car quand on parle d’emplacement, pour une franchise, on ne fait pas seulement allusion au point de vente ou au local physique, on parle aussi de zone de chalandise. Et là aussi, la géolocalisation a son mot à dire. Selon la loi, une enseigne et un franchisé s’entendent sur une zone clairement définie dans le contrat (les textes ne précisent pas, cependant, comment cette « zone » doit être délimitée). Et c’est d’une importance capitale pour le développement de l’enseigne. Aux débuts d’un réseau, on a tellement d’appétit pour des franchisés qu’on risque d’aller trop vite en besogne et de négliger par exemple cet aspect du concept. Le risque est réel d’aboutir à un réseau où les opportunités ne sont pas les mêmes : le centre-ville est accaparé par un franchisé et les autres sont relégués à la périphérie, des zones avec des bassins de vie au potentiel économique différent… Ce qui pourrait être (sur le plan légal) reproché à une tête de réseau. Par exemple, on pourrait se dire, aux débuts d’un réseau, que la méthode du compas – un cercle de X kilomètres de rayon – suffit à définir une zone. Mais si le réseau se densifie un peu et que d’autres points de vente apparaissent à proximité, se créeront à la fois des zones blanches (une perte de clientèle) et des zones de recouvrement (source de mécontentement chez les deux franchisés). Et les points de blocage risquent d’apparaître plus vite qu’on ne le croit. « Souvent, des enseignes qui ont déjà une dizaine ou quinzaine d’unités viennent nous voir car elles veulent en installer une nouvelle, mais les franchisés déjà présents s’inquiètent de leurs zones, explique Pierre Fleury. Nous proposons souvent de repartir à la base et de redessiner les secteurs. » Et là, tout dépend du concept. Pour certaines enseignes pluri-implantées dans une même zone, les secteurs sont délimités à la rue près.

Élaborer sa stratégie en amont

Il est en effet essentiel, pour l’harmonie d’un réseau, que chaque franchisé bénéficie des mêmes chances de développement. D’où l’exigence d’une sectorisation réfléchie. La géolocalisation et ses multiples applications – cartographie, data… – sont un élément essentiel de cette réflexion, en assurant un découpage optimal du territoire. « Une enseigne plus prévoyante va faire appel à nous en amont, explique Pierre Fleury. Au lieu de mener les études en fonction du candidat, le franchiseur demande que l’on dresse une carte des secteurs qu’ils voudraient investir. » L’idée :
optimiser les emplacements. Un concept prometteur, potentiellement porteur d’une centaine d’emplacements, pourrait se retrouver bloqué à 65 ou 70 unités par faute de planification… Un écueil évitable. PresseTaux a lancé son réseau de franchise en 2010, après plus de cinq ans d’existence sur Valenciennes. « Dans un premier temps, nous sommes restés sur la région Nord, ce qui nous a permis de bénéficier de tout ce que nous avions développé, notamment en matière de formation et de mode de fonctionnement, explique Sébastien Masure, fondateur et dirigeant de l’enseigne. C’est seulement à partir de 2014 que nous avons investi le territoire national. » Ces années régionales n’ont pas été perdues, au contraire : elles ont instruit l’expérience du réseau. Dès lors, plutôt que de s’arrêter sur des villes précises, PresseTaux a, dès le départ, compris l’importance du maillage. « Nous avons fait étudier précisément nos deux premiers emplacements qui rencontraient des succès similaires malgré leurs différences, pour déterminer les facteurs essentiels de leur potentiel de croissance – une question de superficie, mais aussi de population entre 20 et 50 ans. Et nous avons demandé à un institut de découper l’ensemble du territoire national en zones équivalentes (il en a délimité une centaine). Tout franchisé qui signe chez nous a l’assurance de compter sur les mêmes perspectives de développement que les autres. » PresseTaux a limité sa recherche aux zones – il connaît le cas très particulier où le choix du local lui-même n’a pas vraiment d’importance, tant qu’il est dans la zone visée.

Il est également possible de réfléchir à un ordre de déploiement : quelle région est la plus intéressante à investir ensuite ?

Démarche vitale pour réseau mature

Cette démarche préemptive se généralise de plus en plus. « En mai-juin, nous sommes de plus en plus sollicités en prévision de l’accélération de fin d’année. Mais ce n’est pas encore assez à mon goût, sourit Pierre Fleury. Nous avons également régulièrement – une ou deux fois par mois – des demandes de conseil. Le cas de figure classique : un réseau né à Bordeaux ou Lyon veut s’installer à Paris, un potentiel supérieur à sa zone d’origine. Combien d’emplacements peut-il trouver ?
À quels endroits ? » En poussant la réflexion plus loin, et en prenant en compte le territoire national entier, il est également possible de réfléchir à un ordre de déploiement : quelle région est la plus intéressante à investir ensuite ? Quelles zones à viser ? C’est une question qui ne se pose pas nécessairement à tous les réseaux – pour bon nombre d’entre eux, notamment les jeunes, après une première phase de développement régional, il s’agit plus de se laisser guider par les opportunités offertes par les candidatures que d’imposer un ordre strict de conquête de l’hexagone. Mais une fois un certain stade de maturité atteint, c’est une réflexion qui devient indispensable.

Jean-Marie Benoist

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