Colonie en terra incognita ?

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Jusqu’où le travail de géomarketing se montre-t-il à même de projeter une implantation à l’international ? Et ne faut-il finalement pas toujours confronter l’idée au marché ?

Le géomarketing se compose de techniques marketing qui analysent le comportement des individus économiques (clients et commerces) en fonction d’un territoire donné. Pour les réseaux de franchise ou de commerces associés, il s’agit d’un outil précieux et stratégique pour étudier la concurrence, les flux de personnes, les comportements de consommation. Pour évaluer le risque d’un nouveau déploiement grâce à la visualisation du potentiel de développement d’un ou de plusieurs points de vente. Le géomarketing est donc essentiellement utilisé pour fixer des périmètres pertinents de maillage en fonction des zones de chalandise. Quid de ces techniques à l’étranger ?

L’international : le cas par cas, même pour le géomarketing

Le géomarketing s’appuie sur plusieurs techniques pour obtenir des bases de données, des sondages terrain, etc. Généralement, les données récoltées sur le terrain sont modélisées par les cabinets spécialisés pour croiser l’ensemble des résultats obtenus. Les données sont constamment mises à jour. À la question du choix du prestataire, Laurent Kruch, fondateur et gérant de Territoires & Marketing, se montre assez catégorique : « Il est possible de faire appel à un cabinet français. Nous sommes plusieurs cabinets capables de dresser des états généraux dans tous les marchés. Ce sont des données commerciales ou de type Insee qui nous donnent le moyen de produire une étude de zonification et un plan de déploiement. Et il est toujours plus simple de s’adapter à un marché plutôt que de nourrir des attentes géomarketing précises de la part d’un prestataire local qui ne possède pas le savoir-faire », demontre le membre du collège des experts de la Fédération française de la franchise.

En France, nous conditionnons les sushis par six dans la plupart des réseaux, à l’étranger il s’agira de les vendre par quatre ou par trois.

Combien de sushis ?

« La projection du concept à l’international demeure un sujet bien à part dans le domaine de la franchise. On ne peut pas dupliquer ce qu’on a réalisé dans un pays pour développer un maillage sur un nouveau territoire. Mais il faut cependant bien multiplier les points de vigilance et réaliser un audit minutieux pour la nouvelle zone géographique », explique Laurent Kruch. L’audit va s’intéresser à des questions d’ordre économique et social. « Le poids réglementaire, les hauteurs de salaires, les aspects hygiène, santé, sécurité… Il faut multiplier les critères pour mieux comprendre les concurrents et savoir comment adapter le savoir-faire. » Savoir-faire, communication, processus…, tout doit être revu à l’aune des spécificités de l’étranger. Laurent Kruch : « En France, par exemple, nous conditionnons les sushis par six dans la plupart des réseaux, dans d’autres il s’agira de les vendre par quatre ou par trois. Détail ? Mais ce genre de détail impose toute son importance. De même, il importe de se pencher sur les façons de communiquer et d’organiser des soldes. »

Quels types de franchises hors frontières ?

Deux grands choix sont possibles à l’étranger pour les réseaux : la master franchise ou la succursale. Le spécialiste des réseaux nous conseille le second choix, plus coûteux mais plus sécurisé. « Ce choix exige du temps. L’enseigne va ouvrir un premier magasin puis un second et ainsi de suite de façon très prudente. »
Le contrat de master franchisé, lui, est de droit français et intègrera le document précontractuel comme tout contrat de franchise. Mais malgré des études géomarketing poussées, des zones d’ombres vont persister. Il faudra donc mener des arbitrages pour établir une relation à distance qui ne porte pas préjudice à l’enseigne. Quid des royalties, des redevances, du non-respect du savoir-faire ?

Peu nombreux sont les réseaux dont la maturité les autorise à se montrer éligibles à un déploiement serein à l’international.

À l’international, la prudence s’impose

« Plus le pays est loin, plus il est compliqué d’obtenir les royalties. De même, on doit laisser le master construire sa communication car on ne peut pas coller les pratiques de communication française à l’international. Se pose donc à chaque internationalisation la question de la redevance publicitaire », modère Laurent Kruch.
Vous l’aurez compris. Pour la tête de réseau, l’idée est de trouver un système financier qui incorpore l’ensemble des dynamiques économiques nouvelles. Et à défaut de pouvoir les contrôler, il faut laisser une marge de manœuvre au master franchisé pour vous éviter d’aller visiter votre partenaire situé sur un autre continent tous les 15 jours. « Finalement, la grande difficulté, c’est de fixer le montant des droits d’entrée et le nombre d’implantations qu’on peut imposer. Il faut prêter attention à l’économie globale du contrat et par exemple s’associer en joint-venture pour la centrale de rachat. »
Quelle que soit la stratégie choisie, il n’empêche que les franchises restent toutes prudentes dès qu’il s’agit d’internationalisation. On se souvient tous du rétropédalage de Burger King et de McDonald’s en France. Et le membre du collège des experts observe cette même prudence dans les réseaux moins anciens : « Par exemple, Ange Boulangerie qui possède 120 implantations ouvre ses deux premiers points de vente au Canada en direct pour mieux apprécier le marché. » Reste qu’en France, 4 980 réseaux de franchise sont identifiés. Seuls 11% possèdent plus d’une centaine d’implantations. Peu nombreux sont les réseaux dont la maturité les autorise à se montrer éligibles à un déploiement à l’international serein.

Geoffroy Framery

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