Les étapes de croissance pour un jeune réseau

Franchisé-pionnier, un risque qui en vaut la peine ?
Franchisé-pionnier, un risque qui en vaut la peine ?

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Une valse à trois temps

Le développement d’un jeune réseau passe par des seuils, qui redessinent à chaque fois les rôles du franchiseur et du franchisé, pour professionnaliser toujours un peu plus le réseau dans chacun de ses aspects stratégiques.

Rejoindre un jeune réseau de franchisé en construction. Toute une aventure bénéfique, pour qui aime le risque et l’entrepreneuriat. Car se mêler à ce projet porteur de promesses implique de parfaire le réseau, les méthodes commerciales et l’identité tout en avançant. C’est œuvrer à un concept qui n’a pas encore complètement fait ses preuves. Comme le rappelle Laurent Poisson, dirigeant de Participe Futur, conseil pour les réseaux de franchise, « même si tout développement se réalise par pallier, la première force d’un réseau, c’est d’accumuler de l’expérience pour la duplication. »

Cultiver l’esprit pionnier, un rapport win-win

Dans le meilleur des cas, c’est aussi parier sur l’avenir si le succès est au rendez-vous. Votre position dans le réseau en tant que membre fondateur du réseau vous permettra plus facilement d’aller vers la multi-franchise, ou plus prosaïquement d’exploiter un concept dont la rentabilité aura été sous-estimée par le franchiseur. Autre avantage pour le candidat à la franchise, le sujet des droits d’entrée et de la qualité des rapports entre tête de réseau et indépendants sous enseigne franchisée.

Car qui dit jeune réseau dit phase de rodage avec les franchisés, mais aussi phase de professionnalisation avec le métier de franchiseur. Cette période oblige le franchiseur à ne pas recourir à des droits d’entrée trop excessifs, tout en laissant davantage d’autonomie aux franchisés ; ceux-ci bénéficient en plus des dernières mises à jour du réseau.

« Nos premiers franchisés historiques testent en primeur les nouveaux outils avant une future implémentation à l’échelle du réseau », constate Arnaud Guérin, co-directeur du réseau Cash Express.

Dit autrement, rejoindre un jeune réseau procure un sentiment gratifiant, celui de participer à son histoire, à son développement, au storytelling de l’enseigne.

Aussi la vie des jeunes réseaux se caractérise-t-elle toujours par plusieurs effets de seuil. Très souvent les premiers partenaires ont un esprit pionnier. Parce qu’ils ont rejoint une jeune enseigne, ils acceptent la notion de risque en en faisant une jolie opportunité, celle de faire partie du voyage en acceptant que tout ne soit pas parfait. Laurent Delafontaine, co-fondateur et dirigeant du cabinet Axe Réseaux, spécialisé dans le conseil aux réseaux complète : « pour les suivants, peut-être passé le seuil d’une vingtaine de franchisés – bien qu’il soit impossible de chiffrer ce seuil précisément en raison des spécificités de chaque concept et de chaque secteur d’activité – les futurs franchisés qui rentreront  dans le réseau voudront le faire car le concept sera éprouvé sur le terrain. La mentalité pour entrer dans le réseau ne sera plus la même, ces derniers voulant minimiser un risque en dupliquant le concept. »

Développement raisonné et raisonnable

Fabienne Hervé, fondatrice et dirigeante de FH Conseil, agence de communication spécialisée dans les réseaux de franchise modère toutefois le côté pionnier : « concernant les jeunes réseaux, il faut se poser les questions des moyens à disposition du jeune franchiseur en termes d’accompagnement, de qualité de services et d’innovation sur le savoir-faire. Rejoindre un jeune réseau signifie en quelque sorte tomber amoureux du concept. Ne nous leurrons pas. Si on cherche de la rentabilité, on va chercher des réseaux matures. Si l’on voit émerger chaque jour des concepts originaux, les développements qui paient sont toujours raisonnables et raisonnés ».

L’experte en communication reste prudente au sujet des réseaux de niche, établis davantage en micro-réseaux, qui progressent doucement. «Je ne crois pas au développement à outrance en 2017, s’il n’est pas soutenu par d’importants leviers économiques. Devenir franchisé dans un secteur de niche ou chez un jeune franchiseur revient davantage à une envie commune de partager sa réussite ». Gare donc aux jeunes réseaux qui se lanceraient soit dans une course à l’ouverture soit dans une course aux droits d’entrée, sans pour autant avoir assis une animation du réseau à la hauteur du développement prévu. Les contre-exemples existent mais répondent, comme le soulignait Fabienne Hervé, à des enjeux financiers plus importants. Par exemple, le groupe EMOVA qui soutient sa plus jeune enseigne, la franchise Happy qui cible des villes comptant au moins 25 000 habitants pour un cœur de cible CSP+. « Cette enseigne incarne le meilleur rapport qualité / prix et l’élégance à la française.  Les candidats franchisés cherchent avec cette marque l’investissement et la sécurité », détaille Laurent Pfeiffer, président du directoire du groupe EMOVA, à propos de réseau le plus récent.

Une relation plus aisée entre franchiseur et franchisé

Un jeune réseau ne peut offrir les mêmes garanties qu’un géant de la franchise avec plusieurs centaines d’implantation à son actif. La question épineuse sera donc celle de la rentabilité économique du concept. Si le franchiseur ne possède pas en nombre suffisant des établissements permettant de vérifier la rentabilité, il importe de se renseigner sur les résultats du franchiseur, voire de ses succursales, et idéalement de ses établissements pilotes. Autant d’indices qui pourront rassurer les pionniers. De même, le franchisé ne peut attendre de sa jeune enseigne ni une expérience économique vérace du réseau qui permet de pallier toute difficulté, ni une notoriété marketing pour espérer un décollage rapide grâce à l’effet marque.

Cela dit les contreparties existent. Le jeune franchiseur doit prouver au jeune franchisé que son concept le dote d’un avantage compétitif indéniable, qui peut résulter d’une innovation de service ou de produit, des actions de communication ou de marketing, des méthodes commerciales qui sortent des sentiers battus ou d’un savoir-faire unique qui repose parfois sur le dépôt de brevet. Tel est le cas du jouvenceau Mental’O : « nous nous appuyons sur une méthode protégée en droits d’auteurs à l’INPI, qui se base sur un process unique de questionnaires et d’études qualitatives et quantitatives. Notre méthode est héritée du monde de l’entreprise mais s’adresse aussi bien aux jeunes qui décident de faire un bilan scolaire ou aux adultes désireux de réaliser un bilan de compétences, un virage de carrière ou un point sur leur vie professionnelle », explique Armelle Riou, Pdg.  du réseau Mental’O

Enfin notons que dans le cadre du développement des jeunes réseaux, le franchiseur est encore en phase de modélisation de sa franchise, il est donc plus enclin à entendre les retours d’expérience de ses premiers franchisés pour faire évoluer le concept, quand ces points sont indiscutables pour les réseaux matures. Par exemple, le franchisé peut négocier des droits d’entrée plus modestes, le risque étant plus fort, tout comme il peut également négocier un contrat de pilote d’une durée de un à trois ans qui permet de tester le point de vente dans les conditions d’exploitation d’une unité franchisée avant de passer sur un contrat de franchise. Une phase de test envisageable à moindre frais si les deux parties ressentent un manque de recul sur les performances économiques de la tête de réseau.

Professionnalisation des trois métiers du franchiseur

Si l’on schématise les différents stades de croissances, un franchiseur jusqu’à sa cinquième ouverture est en phase de normativité ; passé le vingtième, il en sera au stade de l’animation artisanale. Selon les secteurs d’activité, il y aura des effets de seuil occasionnés par la logistique ou le chiffre d’affaires dégagé par le réseau.  Lorsque l’on passe à une logique de développement multi-régions, la logistique s’en trouve complexifiée. Et lorsque le réseau possède plus de 100 points de ventes, cela nécessite bien souvent la création d’une structure à laquelle sera adossée un directeur de la franchise. « Mais on peut aussi réfléchir en termes de CA. A partir de deux millions d’euros, les résultats sont assez significatifs et permettent de financer sérieusement un poste d’animation », analyse Laurent Delafontaine. Cette logique de CA permet de dépasser celle du nombre d’implantations. Nombreuses sont les franchises et micro-franchises à exercer dans le service à la personne, mais leur CA est souvent trop modeste pour financer une animation digne de ce nom malgré un réseau qui inclut déjà une dizaine de points de vente. « Certains réseaux effectivement dégagent par franchisé un CA de 150 000 euros. Et il est mathématiquement difficile d’amortir un animateur en dessous des deux millions de CA pour un franchiseur », estime l’expert d’Axe Réseaux.

Par ailleurs, selon le nombre de franchisés présents dans le réseau, les mécanismes pour recruter,  former et accompagner diffèrent. Les premiers pourront excuser la tête de réseau d’un plan de formation imparfait tout en participant à son amélioration. Mais ceux qui arriveront en phase d’accélération du réseau se comporteront davantage comme franchisés au sens propre du terme. Ils exigeront qu’on leur transmette un savoir-faire abouti en concordance avec les droits d’entrée et redevances dus. Le degré d’exigence ne sera pas le même. Si elle a su développer ses premières implantations grâce à son savoir-faire, une jeune enseigne doit ensuite prouver qu’elle sait maitriser son métier de franchiseur.  « Ce qui signifie maitriser les deux métiers en même temps », poursuit le dirigeant d’Axe Réseaux.

Le changement de paradigme s’applique à tous les chantiers qui lient le franchiseur et le franchisé. Par exemple, question recrutement, le candidat qui rentre dans un réseau doté déjà de plusieurs dizaines de points de vente, sera très attentif à la journée découverte parce qu’il se situera dans une logique de comparaison d’enseignes. Il sera, en revanche, un peu moins regardant sur le concept en tant que tel, contrairement aux pionniers, car son exigence se concentrera plus sur la maitrise du métier de franchiseur.

Ne négliger aucun aspect du métier de franchiseur

« Il y a un moment où l’entreprise va changer de taille, de mode de fonctionnement quant à la communication, la manière de s’adresser aux franchisés, le management. Une distance se crée mais qui ne doit pas poser problème si tout cela est bien géré », observe Laurent Poisson. Ce faisant, les jeunes franchiseurs devront prendre gare à ne pas concentrer toutes leurs forces vives sur un seul aspect stratégique de leur réseau. Un restaurateur doit par exemple conserver de l’énergie pour son cœur de métier afin d’actualiser son concept et continuer à être le meilleur dans son secteur d’activité en renforçant sa logistique, son marketing et l’ensemble de ses process métiers. Car en  parallèle, le franchiseur devra faire face à un accroissement de son travail en tant que recruteur et en tant qu’animateur de réseau. « Les trois métiers principaux s’exercent au même moment. Le franchiseur doit augmenter la valeur ajoutée de son concept, suivre le volume des candidats tout en répondant aux besoins d’animation des premiers franchisés. Ces trois dynamiques s’enrichissent mutuellement », précise Laurent Delafontaine.

Ne délaisser personne

Les experts s’accordent pour ne pas délaisser les pionniers et les autres premiers franchisés. « Ces franchisés sont les premiers et meilleurs ambassadeurs de l’enseigne. Ce sont eux que les candidats iront voir pour comprendre comment le savoir-faire vit et se perpétue », complète Laurent Delafontaine.

Les premiers recrutements en interne pour le franchiseur sont tout aussi stratégiques. Le premier collaborateur embauché doit-il être le plus à l’aise dans un rôle d’animateur, de formateur ou de développeur ? Quel profil privilégier ? La question se pose en fonction de plusieurs critères. Si le franchiseur est à l’aise dans le développement, il va plutôt recruter un animateur, mais si par exemple, le concept n’a pas besoin de valeur ajoutée dans l’animation, le franchiseur va alors privilégier un profil marketing ou un community manager. D’autant que travailler le marketing profite autant au franchiseur qu’au franchisé.

S’il semble vital de s’entourer à bon escient côté franchiseur, il n’empêche que ce dernier ne doit pas non plus s’engager dans des activités qu’il ne maitrise pas. Dans certaines décisions stratégiques telles que la validation du local ou la recherche de financements pour les franchisés, il importe de bien s’entourer. Car vouloir tout maitriser c’est souvent se laisser déborder. Autant de précautions à ne pas prendre à la légère.

Geoffroy Framery

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