Pièges et astuces du repreneuriat en franchise

Méthode pour fidéliser à nouveau la clientèle d’habitués ?
Méthode pour fidéliser à nouveau la clientèle d’habitués ?

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Triolisme entrepreneurial, mode d’emploi

Reprendre en franchise sera toujours moins risqué que créer en franchise. A condition d’avoir les bons réflexes et l’investissement nécessaire.

Tous les chemins entrepreneuriaux mènent-ils à Rome ? Si l’entrepreneuriat revient à partir d’une page blanche pour parfois écrire une belle histoire, le repreneuriat permet, lui, sous certaines conditions, de jouir rapidement d’une rentabilité existante et d’un emplacement qui a déjà fait ses preuves. Selon l’observatoire de la BPCE, 45 761 entreprises établies sous forme de sociétés commerciales ont été cédées, franchises incluses en 2014. 60 000 en 2016 d’après les chiffres annoncés par le ministère de l’économie. En parallèle, selon les estimations de la FFF (fédération française de la franchise), les réseaux se sont gonflés de 1312 franchisés la même année et de 2 025 nouveaux franchisés pour l’année suivante. La reprise est donc une option à envisager lorsque l’on décide de s’engager en franchise. D’autant que le ralentissement économique est attesté dans les territoires marqués par l’échec des reprises et inversement, la corrélation positive existe entre le dynamisme du taux de cession et le dynamisme du tissu économique. Rappelons enfin que le taux de survie des entreprises récemment cédées est bien supérieur aux autres entreprises : 60% à 5 ans contre 50% pour les autres. Des arguments qui peuvent faire pencher la balance. Surtout quand vous n’avez pas d’idées. Mais encore faut-il en avoir le mode d’emploi.

Méthode pas plus facile, mais différente…

Un couple repreneur/cédeur sur deux échouerait dans sa tentative de passation. Prisca Sellen, responsable pédagogique du MS repreneuriat des Mines de Nancy introduit : « la première raison qui explique l’échec d’une transmission est son manque de préparation tant chez le repreneur que chez le cédeur. » Et Philippe Sessiecq, directeur de la formation aux Mines de Nancy, de poursuivre : « le but premier de cette formation est de sensibiliser à l’environnement d’une reprise et d’être en capacité d’appréhender la valeur exacte de l’entreprise, sa valeur humaine, financière, technologique et avoir une vision juste du potentiel de l’entreprise. La franchise se prête aux mêmes mécanismes mais l’atout premier des réseaux demeure le fait qu’un accompagnement est possible. Cela permet en quelque sorte d’être moins isolé pour celui qui décide de reprendre ».

Les atouts de la reprise sont effectivement manifestes : bénéficier d’un chiffre d’affaires établi et donc d’un revenu sans se soucier du seuil de rentabilité comme le fait chaque nouveau franchisé, obtenir grâce au savoir-faire des outils de travail opérationnels et une clientèle qu’il s’agira de fidéliser à nouveau. D’un point de vue financier également, le repreneuriat est riche en atouts. La somme à investir, de fait, sera plus conséquente, car il s’agira de racheter une entreprise qui tient la route de la pérennité. Mais le repreneur pourra faire valoir les résultats de l’entreprise pour son futur emprunt ; le savoir-faire et la rentabilité amoindrissant le risque financier.

Rozenn Perrigot, Professeur à l’IGR-IAE Rennes – Université de Rennes 1, poursuit : « le cas de la reprise d’un point de vente dans le même réseau de franchise permet au repreneur de minimiser les risques. Si les chiffres sont bons et que la franchise fonctionne bien, cela permet d’atteindre un rythme de croisière plus rapidement».

Similitudes avec la création en franchise

Bien évidemment, la reprise d’une franchise exige la signature d’un nouveau contrat, et ce, même si le repreneur reprend l’affaire avant le terme du contrat qui liait le cédant au franchiseur. Autre similitude avec la création d’un point franchisé, le franchiseur doit aussi aviser le futur franchisé des futurs rapports qui vont les lier via un DIP (document d’information pré-contractuelle). Le repreneur, également en tant que nouvel entrant dans le réseau, devra s’acquitter des droits d’entrée dans la plupart des cas.

Deux cas de figures qui modifient le rapport à trois

Deux cas de figures existent. Soit vous êtes candidats. Votre candidature est validée et votre projet se traduit ensuite par de la création ou de la reprise. Soit dans le deuxième cas de figure, vous êtes en contact avec un franchisé qui souhaite revendre son affaire et vous avancez avec lui, puis ensuite vous prévenez la tête de réseau pour lui exprimer votre désir de rachat. « Dans les deux cas, le schéma n’est pas le même. Quand on est validé par le franchiseur, il faut mesurer le niveau de respect du concept par le franchisé vendeur. Logiquement, la tête de réseau invite à faire cet audit : dans le cadre de la reprise, modifier la façade, changer le mobilier: que faut-il faire pour mettre le pont de vente et l’entreprise aux normes du franchiseur ? Parfois il n’y a rien à faire. Mais, la mise en conformité du point de vente est le sujet sensible dans le cas d’une reprise », analyse Laurent Poisson, spécialiste des organisations en réseau et président de la société de conseil Participe Futur. Concernant le contrôle de mise aux normes, aucune tendance ne prévaut. C’est une discussion ouverte entre le futur franchisé et le franchiseur. « Qui fait le contrôle et comment se déroulent les procédures internes et les relations entre l’indépendant et sa tête de réseau ? », complète l’expert de Participe Futur. Il peut se faire accompagner par le cédant, par le biais d’une convention de tutorat. Notons également que ce débat peut entrainer la transformation de choses significatives telles que la mise à jour des outils de gestion, la manière de communiquer les produits, l’aménagement du point de vente/services voire même la politique de prix et celle liée aux achats.

« Il faut qu’il y ait cet échange, ce débat qui va mettre à plat le fonctionnement actuel de la franchise et les écarts au savoir-faire. Par ailleurs, le contrat est intuitu personae. De par la nature du contrat, le franchiseur va agréer le repreneur. Cet agrément peut épouser certaines conditions comme la remise à niveau du savoir-faire dans ses considérations opérationnelles », poursuit Laurent Poisson.

On peut résumer tout cela en disant que les conditions de cession ou de reprise sont précisément visées par le contrat de franchise. Le candidat doit les demander.

Vous l’aurez compris. La reprise en franchise est un ménage à trois, et ce, même dans l’éventualité où vous avez déjà pris contact avec le franchisé. Si les premières négociations se réalisent sans le franchiseur, ce dernier intervient sur la question de l’agrément. Toujours selon cette même notion d’intuitu personae, le franchiseur peut valider ou invalider une reprise s’il considère que le repreneur met en péril l’implantation et son savoir-faire quel que soit le stade des négociations. « Si vous êtes en contact avec le franchisé, la négociation à ce stade se déroulera sans le franchiseur ; mais se posera toujours la question de l’agrément du repreneur par le franchiseur », note Laurent Poisson.

Autre clause à ne pas négliger, celle de préemption. Cette dernière donne de fait la possibilité au franchiseur de racheter le commerce. Ce droit est généralement invoqué pour reprendre des franchises en difficulté ou pour opter pour un mode de développement en propre. Enfin ce droit de préemption peut être utilisé pour favoriser un tiers franchisé ou en train de le devenir.

Contours et limites du ménage à trois

Le pouvoir du franchiseur n’est cependant pas absolu. «  Sur le principe de la cession d’entreprise ou de fonds de commerce, le franchiseur va agréer en faveur ou non du repreneur, mais il n’a normalement pas son mot à dire sur la valeur de la transaction. Exception faite dans l’éventualité où le franchiseur estime que les conditions de la transaction mettent en péril l’équilibre économique de son futur partenaire. Et c’est en cela qu’il va regarder les conditions dans lesquelles la reprise se réalise. Il n’a pas de rôle pour fixer le prix mais en tant que franchiseur, il peut émettre un avis sur la pérennité de son futur partenaire », avance Laurent Poisson.

Outre ces contraintes, ce choix entrepreneurial n’est bien sûr pas exempt de toute contrainte. Evidemment, il implique un investissement plus fort qu’une création. Il importe ici de prêter un œil averti sur les bilans et l’ensemble des indicateurs financiers. « Pour la reprise d’entreprise, j’ai pu bénéficier de l’accompagnement du réseau de cabinet d’expertise comptable qui travaille avec Générale des Services. Un plus au moment d’estimer le coût de l’entreprise », explique Philippe Cantegreil, repreneur en franchise Générale des Services.

Impossible de faire table rase du capital humain ?

Comme dans tout cas de reprise, « le défi est de fidéliser les portefeuilles et d’en développer d’autres », lance Philippe Sessiecq. Une facette qui exige également de ne pas faire la révolution dans les équipes au moment de la reprise. De fait, les salariés seront dubitatifs face au changement de direction.

Rozenn Perrigot évoque au sujet du management : « pour les RH, il importe de savoir mener une transition en plus des obligations juridiques. Cela représente bien souvent un challenge car la clientèle peut être bousculée dans ses manières de recevoir le service ou d’acheter un produit par la nouvelle équipe. Le plus important est de dissocier les pratiques qui s’écartent du savoir-faire et d’assurer une transition qui installe la bonne manière de faire. »

Notons que dans un cas classique de reprise en franchise, le principe du droit du travail s’applique. Les contrats de travail sont donc attachés au fonds de commerce. « Donc quand vous reprenez un fonds de commerce, vous reprenez les contrats de travail et les équipes en place. Dans le cadre de la reprise, il faut avoir les attitudes et les actes de management qui vont permettre d’assurer la continuité par rapport aux équipes. Bien souvent, les équipes sont connues de la clientèle », informe  Laurent Poisson.

Certes, une discussion peut avoir lieu sur l’équipe en place. Mais cette dernière sera toujours inhérente à la mise en conformité du point de vente. L’audit qui va souligner un manque d’effectif ou un besoin de formation sera bien souvent conditionné par le respect et la mise à jour du savoir-faire. Prisca Sellen ajoute que si possible, « les salariés doivent être inclus dans le projet de transmission pour que la transition se passe pour le mieux. Le repreneur doit être dans une posture d’écoute et de dialogue pour pouvoir ensuite mieux asseoir sa posture hiérarchique. Car dans le cas d’une reprise, le repreneur est souvent taxé d’inexpérience dans le cœur de métier où il investit ». A moins d’avoir un background dans le secteur d’activité de la reprise. Philippe Cantegreil, franchisé Générale des services et repreneur à Toulouse depuis 2013, illustre : « la résistance au changement est le point le plus délicat à gérer sur un plan humain, tant chez les salariés que chez le client. Par exemple, nous avons changé les méthodes de suivi des personnes.

Nous avons marié le digital et le carnet à spirale. Bénéficiaires de nos services, clients et salariés ont dû s’adapter non sans pédagogie de ma part. Le transfert vers une nouvelle enseigne a également été une étape cruciale, même si les bénéficiaires savaient qu’ils gardaient le même intervenant.

Au moment du transfert des contrats chez nous, il a été précisé aux clients qu’ils gardaient le même intervenant. A ce moment, nous avons connu une évaporation naturelle et avons perdu 10% de nos contrats de services à la personne ».

Geoffroy Framery

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